Traite d’être humain et salaire impayé –la LAVI n’a pas l’obligation d’indemniser ce dommage, même au regard du droit international.
TF 1C_19/2023* du 11 octobre 2023
Résumé:
B a fait venir en suisse un ressortissant ukrainien, A, et l’a fait travailler sur des chantiers pour un salaire de EUR 970.- pour deux mois de travail, six jours par semaine, et pour 385 heures. Pour ce qui est du versement de ce salaire, B en a systématique différé le paiement. A a été logé par B dans un appartement qualifié d’insalubre par les autorités.
Pour ces faits, B a été jugé coupable de traite d’être humain qualifiée. A s’est vu alloué la somme de CHF 5'000.- à titre de réparation morale, ainsi que CHF 13'577,15 (sous déduction de EUR 970 qui ont été perçus), pour le salaire non perçu, à titre de dommages et intérêts.
A n’ayant reçu aucune somme de B, il a déposé une requête d’indemnisation auprès de la LAVI. Cette instance lui a ainsi octroyé la somme de CHF 4'000.- à titre de réparation morale, mais a rejeté sa demande concernant l'indemnisation pour le salaire non perçu. La LAVI a considéré que cette dernière prétention constitue un dommage matériel et/ou purement économique, non couverte par la LAVI.
Dans ses considérants, le Tribunal fédéral rappelle que la LAVI exclut l’indemnisation du dommage purement économique (art. 19 al. 3 LAVI). Dans ce sens, ni la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, ni la CEDH ne prévoient une obligation positive pour les États d’instaurer un mécanisme d’indemnisation subsidiaire des victimes de traite d’être humaines à hauteur des salaires qu'elles n'auraient pas perçus. Partant, nos Juges fédéraux considèrent que c’est à juste titre que la LAVI a refusé d’indemniser A pour le salaire non-perçu.
Commentaire:
Ainsi, bien qu’A soit en possession d’un jugement condamnant B a lui verser la somme de CHF 13'577,15 (sous déduction de EUR 970 qui ont été perçus) pour le salaire non perçu, il se retrouve ainsi sans moyen légal de recouvrer cette somme. En d’autres termes, à moins que B ne revienne à meilleure fortune, A ne percevra pas le salaire pour le travail effectué, si ce n’est les EUR 970.-, et ce, nonobstant la condamnation de B sur ce point.
Il est encore à noter que, bien que le Tribunal fédéral rejette le recours, la demande d’assistance judiciaire de A a été admise.