Grâce à notre téléphone portable, ainsi qu'aux applications qui s'y trouvent ("Santé" notamment), les autorités parviennent à établir un comportement et partant, peuvent établir de manière suffisamment fiable le comportement répréhensible adopté.
TF 6B_1126/2023 du 24 janvier 2024
Résumé:​
A (ci-après également « recourante ») est reconnue coupable de l’assassinat de l’enfant D, âgée de deux ans et demi lors des faits. Les faits retenus sont les suivants.
A était seule à son domicile avec l’enfant D, laquelle dormait à l’étage tandis que le père de D n’était pas au domicile. Comme à son habitude, l’enfant D s’est réveillée entre 00 :00 et 01 :30, si bien qu’A est, selon toute vraisemblance, montée à l’étage avec son téléphone portable. N’arrivant semble-t-il pas à calmer l’enfant D qui pleurait dans son lit, A l’a asphyxiée, causant ainsi la mort de l’enfant. A est condamnée en première et deuxième instances pour assassinat à une peine privative de liberté à vie, si bien qu’elle recourt – sans succès – auprès du Tribunal fédéral.
Dans le cadre des griefs soulevés, A relève dans un premier temps que l’application « Santé » de son téléphone n’est pas fiable et partant, qu’elle ne pouvait être condamnée sur cette base. En effet, selon la recourante, il ne serait ainsi pas établi qu’elle s’était effectivement rendue à l’étage, où dormait l’enfant D.
A cela, les Juges fédéraux rétorquent de manière définitive que la Cour cantonale n’a pas versé dans l’arbitraire. En effet, ainsi qu’il ressort du jugement de deuxième instance, les juges cantonaux ont expressément indiqué que l’application « Santé » de son téléphone portable n’était pas d’une fiabilité absolue, si bien qu’ils se sont livré à un examen plus approfondi des enregistrements d’élévations d’altitude du 11 novembre 2018 entre 00.58.03 et 00.58.59. Ainsi, la Cour cantonale n’a pas versé dans l’arbitraire en concluant que la montée d’étage enregistrée sur son téléphone à cet horaire-là par l’application « Santé » constitue un indice important qu’elle s’est effectivement rendue dans la chambre de A aux environs d’une heure du matin cette nuit-là.
Dans un autre grief subsidiaire, A conteste la qualification juridique retenue à son encontre, soit l'assassinat au sens de l'art. 112 CP en lieu et place du meurtre au sens de l'art. 111 CP. A cet égard, le Tribunal fédéral rappelle que ce qui distingue l’assassinat du meurtre c’est l’absence particulière de scrupules de l’auteur. De plus, l’assassinat suppose une faute spécialement lourde et déduite exclusivement de la commission de l'acte ; les antécédents ou le comportement que l'auteur adopte immédiatement après les faits n'entrent en ligne de compte que dans la mesure où ils y sont étroitement liés, et permettent de caractériser la personnalité de l'auteur.
Pour caractériser la faute de l'assassin, l'art. 112 CP évoque les cas où les mobiles, le but ou la façon d'agir de l'auteur sont particulièrement odieux. Le mobile est notamment particulièrement odieux lorsqu'il apparaît futile, l'auteur tuant pour se venger, sans motif sérieux, ou encore pour une broutille. La façon d'agir est particulièrement odieuse lorsqu'elle est barbare ou atroce ou lorsque l'auteur a exploité avec perfidie la confiance de la victime. L'énumération du texte légal n'est pas exhaustive. L'absence particulière de scrupules peut être admise lorsque d'autres éléments confèrent à l'acte une gravité spécifique. C'est ainsi que la réflexion et la planification de l'acte peuvent constituer des éléments susceptibles de conduire à retenir une absence particulière de scrupules. Par la froideur dans l'exécution et la maîtrise de soi, l'auteur manifeste également le plus complet mépris de la vie d'autrui.
Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'un assassinat, il faut procéder à une appréciation d'ensemble des circonstances externes (comportement, manière d'agir de l'auteur) et internes de l'acte (mobile, but, etc.). Il y a assassinat lorsqu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que l'auteur a fait preuve du mépris le plus complet pour la vie d'autrui. Alors que le meurtrier agit pour des motifs plus ou moins compréhensibles, généralement dans une grave situation conflictuelle, l'assassin est une personne qui agit de sang-froid, sans scrupules, qui démontre un égoïsme primaire et odieux et qui, dans le but de poursuivre ses propres intérêts, ne tient aucun compte de la vie d'autrui. Chez l'assassin, l'égoïsme l'emporte en général sur toute autre considération. Il est souvent prêt, pour satisfaire des besoins égoïstes, à sacrifier un être humain dont il n'a pas eu à souffrir. La destruction de la vie d'autrui est toujours d'une gravité extrême. Pour retenir la qualification d'assassinat, il faut cependant que la faute de l'auteur, son caractère odieux, se distingue nettement de celle d'un meurtrier au sens de l'art. 111 CP.
En dépit de l’argumentation avancée par A, le Tribunal fédéral considère-t-il que la recourante a agi avec une absence particulière de scrupules en raison non seulement de l'égoïsme de son mobile, mais également de l'atrocité de sa façon d'agir. Dès lors, les éventuelles émotions que la recourante a pu ressentir sont reléguées à un rang très accessoire. Du reste, l'immense détachement dont la recourante a fait preuve après les faits exclut, en toute hypothèse selon les juges fédéeux, une dimension émotionnelle marquée.
Dans un dernier grief (consid. 10 ss), A conteste la peine privative de liberté à vie qui lui a été infligée. A ce titre, le Tribunal fédéral rappelle que le juge dispose d’un large pouvoir d'appréciation dans ce domaine et que le Tribunal fédéral n'intervient que lorsque l'autorité cantonale a fixé une peine en dehors du cadre légal, si elle s'est fondée sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si des éléments d'appréciation importants n'ont pas été pris en compte ou, enfin, si la peine prononcée est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation.
Le juge qui reconnaît un prévenu coupable d'assassinat peut le condamner soit à une peine privative de liberté de durée déterminée de dix ans au moins mais de vingt ans au plus (art. 40 1re phrase CP) soit à la peine privative de liberté à vie (art. 112 CP). Quand il décide de franchir le seuil des vingt ans, le juge doit indiquer pour quel motif une peine de durée déterminée, même de vingt ans, ne lui parait pas suffisante.
Enfin, s’agissant toujours de la quotité de la peine, A a fait grief à l’autorité cantonal de ne pas avoir retenu de circonstances atténuantes au sens de l’art. 48 let. c CP. Le Tribunal fédéral rappelle dans cet arrêt (consid. 10.3.3), qu’en ce qui concerne l'émotion violente et le profond désarroi de l’art. 48 let. c CP, l'absence particulière de scrupules typique de l'assassinat (art. 112 CP) ne laisse aucune place à une modulation de la culpabilité qui serait justifiée par la prise en considération des affects, qui sont l'élément distinctif de l'homicide passionnel. Ces notions sont antinomiques.
​
​